dimanche 14 janvier 2018

Le PAPE DICTATEUR par Marc-Antoine Colonna -5-

Martini

          Le plus illustre des noms de Saint-Gall et son leader incontestable fut Carlo Maria Cardinal Martini, pendant la majeure partie des années de Jean-Paul II et de Benoît XVI considéré comme la figure dominante de la faction libérale de l’Église. Une lecture des interviews et des écrits de Martini donne une idée de l’enthousiasme de Bergoglio pour son mentor déclaré ; de nombreux termes et phrases préférés du cardinal réapparaissent dans les propres écrits et discours du Pape François.

      En 2008, Sandro Magister a décrit (9) le cardinal Martini comme étant habituellement "subtil et opaque", mais il a ajouté qu’il était parfois apparu en public. « À propos du célibat sacerdotal, par exemple, il dit et ne dit pas. Il en va de même pour les prêtresses. Et sur l’homosexualité. Et la contraception. Et quand il critique la hiérarchie de l’Église, il ne donne pas de noms, de personnes ou de choses. »

      Mais cette année-là, Martini a donné une interview de livre (10) dans laquelle il a ouvertement contesté l’enseignement du Pape Paul VI sur la contraception dans Humanae Vitae. L’encyclique controversée de l’interdiction de la contraception, dit le cardinal, a causé de « graves dommages », et il lui reproche l’abandon de la pratique de la foi par de nombreux catholiques depuis 1968.

      Le cardinal a particulièrement loué les réponses à l’encyclique des Conférences épiscopales autrichiennes, allemandes et nationales, en disant qu’elles « ont suivi un chemin que nous pouvons continuer aujourd’hui ». Cette « nouvelle culture de la tendresse » est « une approche de la sexualité plus libre de préjugés ».

      En revanche, Jean-Paul II avait « suivi la voie d’une application rigoureuse » de Humanae Vitae. « Il ne voulait pas qu’il y ait de doutes sur ce point. Il semble qu’il ait même considéré une déclaration qui jouirait du privilège de l’infaillibilité papale. »

      « Je suis fermement convaincu que l’Église peut montrer une meilleure voie qu’avec Humanae Vitae. Savoir admettre ses erreurs et les limites des points de vue antérieurs est un signe de grandeur d’âme et de confiance. L’Église retrouverait crédibilité et compétence. » (11)

      Martini, qui mourut en 2012 quelques mois seulement avant que le Pape Benoît XVI annonce sa démission, était un Jésuite italien, un éminent érudit biblique. Il a été archevêque de Milan pendant les années les plus productives du règne de Jean-Paul II, 1980 à 2002. En tant que figure la plus influente de l’Église catholique italienne, et en tant que chef de l’archidiocèse de Milan – voir traditionnellement un fort "papabile" – Martini a longtemps été considéré comme le candidat libéral idéal pour la papauté. Il a toutefois été arrêté dans sa course après un diagnostic d’une forme rare de la maladie de Parkinson. Il a démissionné de son siège en 2002, mais est resté la figure la plus importante de la gauche de l’Église en Europe.

      Quelques heures seulement après sa mort en août 2012, le Corriere della Sera (12) a publié une dernière interview. Presque avec son dernier souffle Martini soutenait que l’Église en tant qu’institution a « 200 ans de retard ». Le cardinal a dit : « L’Église doit reconnaître ses erreurs et prendre un chemin de changement radical, en commençant par le Pape et les évêques. » C’était surtout dans le domaine des enseignements sexuels qui, selon lui, étaient à l’origine de la crise des abus sexuels commis. Dans l’interview, Martini a dressé la carte des politiques qui devaient être proposées par les libéraux dans les deux Synodes sur la Famille en 2014 et 2015, et qui ont ensuite été incorporées de manière plus ambiguë dans l’exhortation du Pape François, Amoris Laetitia : il a plaidé pour une approche plus personnelle et moins doctrinale de la morale sexuelle, a fait appel en particulier au cas des couples divorcés et remariés, qu’il a déclaré « avoir besoin d’une protection spéciale », et a exprimé sa dissidence par rapport à l’attitude traditionnelle de l’Église envers l’homosexualité.

(9) Chiesa Espresso, 3 Novembre 2008 : Sandro Magister, "Il Gesù del cardinale Martini non avrebbe mai scritto la ’Humanae Vitae’" (« Le Jésus du Cardinal Martini n’aurait jamais écrit ’Humanae Vitae’ ») http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/209045bdc4.html?eng=y

(10) Intitulé "Due in una carne. Chiesa e sessualità nella storia" ("Deux en une seule chair : Église et sexualité dans l’histoire"). Magister écrit : « Les deux auteurs étaient des féministes militantes dans les années 1970 et sont toutes deux historiennes, l’une d’elles est laïciste et l’autre catholique : Margherita Pelaja et Lucetta Scaraffia. »

(11) Le 14 juin 2017, le vaticaniste Roberto de Mattei a confirmé les rumeurs selon lesquelles le Pape François a l’intention de créer une commission « secrète » pour « réinterpréter » l’enseignement de Humanae Vitae « à la lumière de son Exhortation apostolique post-synodale, Amoris Laetitia ». Monseigneur Gilfredo Marengo, Professeur à l’Institut Pontifical Jean-Paul II, en sera le directeur. Marengo a dénoncé l’opinion selon laquelle la foi catholique est « imperméable aux questions et aux provocations du présent », et a commenté pendant les Synodes sur la Famille que dans le passé, l’Église a « présenté un idéal théologique trop abstrait sur le mariage, presque artificiellement construit, loin de la situation concrète et des possibilités effectives des familles telles qu’elles sont réellement ». https://rorate-­caeli.blogspot.com/2017/06/de-mattei-plan-of-reinterpretation-for.html

(12) Interview du P. Georg Sporschill SJ dans le Corriere della Sera, 1er septembre 2012, "L’addio a Martini : Chiesa indietro di 200 anni". http://www.corriere.it/cronache/12_settembre_02/le-parole-ultima-intervista_cdb2993e-f50b-11e1-9f30-3ee01883d8dd.shtml

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