samedi 17 mars 2018

Le PAPE DICTATEUR par Marc-Antoine Colonna -43-

Le « règne de la terreur »
du Père Fidenzio Volpi
 
         La réaction du Père Manelli au décret de juillet a été présentée comme exemplaire. Malgré le fait d’être dans la ligne de feu et d’être par la suite blâmé pour la mauvaise gestion de l’institut et des crimes plus graves, le fondateur de l’ordre a recommandé à tout l’institut d’obéir au Saint-Père et a exprimé sa confiance que cette obéissance apporterait des « grâces plus grandes ». Son espoir aurait pu être que le nouveau pape favoriserait une évaluation objective de la situation de l’institut et apporterait la justice dans une situation où une poignée de frères se sont rebellés contre la majorité de leur institut.

      Il a été révélé que le Père Volpi – qui soutenait que son « travail » avait été « spécifiquement ordonné par le Vicaire du Christ » – avait reçu l’ordre de contenir « la dissidence » dans les rangs, d’établir l’unité et d’évaluer les finances de l’ordre. En effet, il s’agissait d’une prise en charge complète de l’institut – prêtres, frères, sœurs et tertiaires. Le gouvernement du Père Volpi était impitoyable : le gouvernement général a été destitué et le fondateur, le Père Manelli, a été placé en résidence surveillée de facto, et il a reçu l’ordre de rester en isolement dans le sud de l’Italie, où il se trouve encore aujourd’hui, sans possibilité de communiquer avec le monde extérieur, y compris sa famille, ou l’un des Frères. Les Frères qui ont adressé une pétition au Vatican pour leur propre compte ont été punis ou menacés d’expulsion. Une pétition a été rédigée contre l’interdiction de la Forme Extraordinaire par quatre érudits laïcs, mais elle a été ignorée.

      Déjà en décembre 2013, de nombreux catholiques en avaient assez et ont fait circuler une pétition demandant la destitution du Père Volpi. « En l’espace de cinq mois, le Père Volpi a détruit l’institut, provoquant chaos et souffrance à l’intérieur, scandale parmi les fidèles, critique de la presse, malaise et perplexité dans le monde ecclésiastique. » Cette lettre a également été ignorée.

      Le 8 décembre 2013, le Père Volpi a riposté par une autre série de sanctions, y compris la fermeture du séminaire de l’Ordre, dans une lettre adressée à tous les Frères. Il y déplorait « la désobéissance et les obstacles à mon travail, ainsi que les attitudes de suspicion et de critique à l’égard de notre sainte Mère l’Église – au point même de l’accuser diffamatoirement de la "destruction du charisme" à travers ma personne. »

      Cette lettre constitue la première accusation « officielle » d’inconduite contre le Père Manelli qui, dit-il, a « transféré le contrôle » des biens de l’institut à des membres du laïcat, « des personnes connues pour être des enfants spirituels ou des parents du Fondateur, le Père Stefano M. Manelli, ainsi qu’aux parents de diverses sœurs », pour les soustraire à l’influence du Commissaire. Le Père Volpi a dénoncé les religieux qui voulaient demander la fondation d’un nouvel institut centré sur l’Ancien Rite. Il a également ordonné la suspension de l’organisation des tertiaires jusqu’à nouvel ordre.

      Avec l’interruption des études au séminaire et la suspension du programme d’études privées de l’Institut, les étudiants en théologie ont été transférés à Rome pour poursuivre leur travail. Les étudiants en philosophie ont été envoyés au collège diocésain de Bénévent. Les ordinations diaconales et sacerdotales ont été suspendues pendant un an. Il a été demandé à tous les candidats aux Ordres Sacrés de souscrire formellement à leur acceptation de la Forme Ordinaire de la Messe et des « documents du Concile Vatican II » dans ce que l’on appelait un « serment » de conformité. Les candidats qui ne s’y conformaient pas ont été immédiatement renvoyés de l’institut. De plus, chaque religieux devait exprimer par écrit sa volonté de continuer à être Frère Franciscain de l’Immaculée dans la forme révisée de l’Institut. La Mission laïque de l’Immaculée Médiatrice en Italie a été formellement suspendue, de même que le Tiers-Ordre des Frères Franciscains de l’Immaculée et toutes les activités d’édition – une œuvre majeure de l’Ordre – ont été interrompues.

      Le Père Volpi a promu l’un des cinq premiers dissidents, le Père Bruno, au poste de Secrétaire Général (il a depuis été démis de ses fonctions). Sous la direction du Père Manelli, Bruno était responsable des relations publiques, y compris les réseaux de médias sociaux. Sa position à l’égard des médias a été particulièrement utile une fois que la Commission a commencé ses travaux ; il a été le premier à rendre publique la décision du Vatican d’avoir un Commissaire et il a informé les journalistes de manière unilatérale. Certains l’appelaient le chef des frères qui cherchaient à faire avancer l’Institut dans la direction libérale.

      Pendant le "règne de terreur" du Père Volpi, d’innombrables frères ont quitté la structure officielle de l’Institut. Bien qu’il reste difficile d’obtenir des informations détaillées sur l’état actuel de l’ordre, certaines estimations estiment que plus des deux tiers de l’institut ont essayé de trouver une autre solution ; beaucoup ont appelé à une refondation. Un petit groupe de frères a demandé à quitter l’Institut, cherchant refuge aux Philippines. Six frères ont approché Mgr Ramon Cabrera Argüelles, Archevêque de Lipa, pour évaluer la possibilité de refonder l’Institut avec leur charisme originel au sein de son diocèse. Ceux-ci ont été traqués par le Père Volpi et le Père Bruno, punis d’une suspense a divinis et privés de la possibilité de se défendre. La suspense a divinis est une action pénale normalement imposée seulement pour une transgression grave, et la personne accusée a le droit canonique de se défendre.

      Toute cette procédure était contraire au droit canonique, mais elle n’a jamais été traitée comme telle et jamais révisée. Normalement, la demande de quitter une congrégation, un ordre ou un institut est commune et est accordée par milliers pour une grande variété de raisons. Dans le cas des Frères de l’Immaculée, tous les membres ont été collectivement empêchés de partir et forcés de vivre dans une atmosphère de répression, une action sans soutien canonique. Pendant tout ce temps, le Père Volpi n’a jamais précisé de quelle inconduite l’ordre était coupable.

      Entre-temps, les accusations de Volpi contre le Père Manelli de s’être enfui avec les biens de l’ordre ont été rejetées par des tribunaux civils. Volpi avait intenté une action en justice pour suspicion de fraude, falsification de documents et détournement de fonds, et le Père Manelli y a répondu par une action en diffamation contre le Père Volpi. Les tribunaux ont ordonné au Père Volpi de restituer les biens, lui ont infligé une amende de 20 000 euros et lui ont ordonné de présenter des excuses publiques. En juillet 2015, le Tribunal d’Avellino a jugé qu’il n’y avait eu aucune faute d’aucune sorte de la part du Père Manelli ou de toute autre personne associée aux FFI et a ordonné la libération des biens appartenant à la Mission de l’Immaculée Médiatrice (MIM) et au Tiers-Ordre des Frères Franciscains de l’Immaculée (TOFI) qui avaient été saisis par Volpi. La valeur des actifs s’élevait à environ 30 millions d’euros.

      Mgr Ramon Cabrera Argüelles, Archevêque de Lipa aux Philippines, qui avait accueilli les six frères fuyant le régime du Commissaire, leur a offert un celebret – la permission de dire la Messe – dans son archidiocèse. La réaction du Père Volpi a été rapide : il a assisté à la Conférence Épiscopale Italienne de l’automne 2014 et a exhorté les évêques à ne pas incardiner les prêtres cherchant à quitter l’institut maltraité, accusant même les frères d’un complot pour « renverser » le pape. Entre-temps, l’Archevêque Cabrera Argüelles a déposé sa démission trois ans avant l’âge de la retraite obligatoire, et elle a été acceptée par le Pape François en février 2017. Bien que la démission n’ait pas été liée aux événements concernant les Frères, cela ne peut être exclu.

      Le 4 avril 2016, la Congrégation pour les Religieux a décidé, par le rescrit Ex audientia, que les évêques doivent consulter le Vatican avant d’établir un institut de droit diocésain. C’est la seule réponse formelle du Pape à l’affaire, et c’est un pas bureaucratique, et elle représente un pas bureaucratique qui s’éloigne d’une approche « de base » des fondations. Beaucoup d’observateurs ont fait remarquer que cette action n’avait qu’un seul objectif : le diocèse des Philippines qui avait essayé de rendre possible une refondation des Frères de l’Immaculée.

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