vendredi 2 mars 2018

Le PAPE DICTATEUR par Marc-Antoine Colonna -33-

2) Qu’enseigne le Pape François ?
Amoris Laetitia et les Dubia des cardinaux
 
      Le Pape François a donné suite au Synode sur la Famille en publiant en mars 2016 l’Exhortation Apostolique Amoris Laetitia, destinée à transmettre l’enseignement du Synode. Avec plus de cent pages, l’Exhortation est difficile à résumer, mais ses sections les plus controversées se trouvent principalement au chapitre 8. Plus précisément, le paragraphe 305, ainsi que sa note de bas de page 351, ont été interprétés par divers évêques comme autorisant directement la Communion pour les catholiques divorcés et remariés civilement : « En raison de certaines formes de conditionnements et de facteurs atténuants, il est possible que dans une situation objective de péché – qui n’est peut-être pas subjectivement coupable, ou totalement coupable – une personne puisse vivre dans la grâce de Dieu, aimer et grandir aussi dans la vie de grâce et de charité, tout en recevant l’aide de l’Église à cette fin. » La note de bas de page 351 disait clairement : « Dans certains cas, cela peut inclure l’aide des sacrements. »

      Bien que la controverse ait fait rage sur l’interprétation correcte ou voulue de ces passages, avec de nombreux évêques insistant sur l’impossibilité pour un document papal de contredire l’enseignement antérieur, les évêques de Buenos Aires ont publié leurs directives en septembre 2016
(133). Ils ont admis que « les prêtres peuvent suggérer une décision de vivre en continence », mais ont dit que « si les partenaires échouent dans ce but », après avoir suivi « un processus de discernement », Amoris Laetitia « offre la possibilité d’avoir accès au sacrement de la Réconciliation », sans avoir l’intention de cesser les relations conjugales (134).

      Alors que la controverse sur l’interprétation se poursuivait, François garda le silence et n’a pas corrigé les évêques comme Chaput de Philadelphie et Stanislaw Gadecki de Poznan, qui ont adopté la position conservatrice. Mais les seules approbations du Pape ont été envoyées aux évêques de Buenos Aires et de Malte
(135) sous forme de lettres de remerciement pour leurs interprétations libérales. François a écrit à ses anciens collègues argentins en les remerciant pour leurs « très bonnes » lignes directrices qui « reflètent pleinement le sens du chapitre VIII d’Amoris Laetitia ». Le pape a ajouté : « Il n’y a pas d’autres interprétations. » (136) Une lettre similaire aurait été envoyée à Malte par l’intermédiaire de la procuration du Pape, le Secrétaire Général des Synodes des Évêques, le Cardinal Lorenzo Baldisseri.

      Compte tenu des interprétations divergentes et de l’apparente subjectivité qu’
Amoris Laetitia introduisit dans l’enseignement moral catholique, plusieurs cardinaux adressèrent au Pape une lettre demandant des éclaircissements sur le document. Les signataires sont maintenant au nombre de six, bien que seulement quatre noms aient été rendus publics – les Cardinaux Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner – mais ils auraient le soutien d’une vingtaine ou d’une trentaine d’autres. Ils ont commencé par envoyer au Pape et au Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi une lettre privée le 19 septembre 2016 avec les demandes mentionnées. Celles-ci ont été formulées sous la forme traditionnelle des dubia, c’est-à-dire des points contestés qui sont soumis à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi lorsque l’enseignement de l’Église semble incertain. Les cinq dubia peuvent se résumer comme suit :

1. Est-il devenu licite d’admettre les personnes divorcées et remariés à la Sainte Communion ?

2. Est-ce encore l’enseignement catholique selon lequel il existe des normes morales absolues ?

3. Ceux qui vivent en violation d’un commandement, par exemple le commandement contre l’adultère, doivent-ils être considérés comme vivant dans le péché objectif ?

4. L’enseignement catholique enseigne-t-il encore que les circonstances ou les intentions ne peuvent jamais transformer un acte intrinsèquement mauvais en un acte "subjectivement" bon ?

5. Est-ce encore l’enseignement catholique que la conscience ne peut pas légitimer les exceptions aux normes morales absolues ?

      À ces questions, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a refusé de répondre, contrairement à la pratique habituelle, et il est clair qu’elle agissait sur les ordres du Pape François. C’est dans ce contexte que les signataires ont rendu publique leur lettre en novembre, rendant ainsi publique leur défi à l’enseignement d’Amoris Laetitia. Le Pape n’a pas répondu explicitement, mais il aurait encouragé ceux qui l’entouraient à discréditer les dissidents par des moyens indirects. La plupart des cardinaux signataires étaient à la retraite ; le seul d’entre eux qui occupait encore un poste officiel était le Cardinal Burke, qui était Patron de l’Ordre de Malte, et ses péripéties seront décrites dans le chapitre 5. En dehors de cela, l’effet des instructions officieuses du Pape est l’attitude d’indignation choquée qui a été exprimée par plusieurs porte-paroles de l’aveuglement des cardinaux face à la nouvelle ouverture de l’enseignement catholique. Ce que cette ouverture est précisément, l’Église ne l’a pas encore découverte, puisque François ne répond pas aux questions qui lui sont posées. Pour en déduire si le Pape a l’intention de suivre l’enseignement de l’Église, nous devons étudier la politique qu’il a suivie dans les organismes du Vatican destinés à protéger l’institution de la famille.

(134) Ainsi, l’exigence précédente, celle de vivre ensemble « comme frère et sœur », a été reléguée à une suggestion. Walter Kasper a résumé la situation dans une interview avec Commonweal : « Vivre ensemble comme frère et sœur ? Bien sûr, j’ai beaucoup de respect pour ceux qui font cela. Mais c’est un acte héroïque, et l’héroïsme n’est pas pour le chrétien moyen. »

(135) Les "Critères pour l’application du Chapitre VIII d’Amoris Laetitia" des évêques maltais ont été critiqués par les juristes canonistes et certains responsables du Vatican qui ont soutenu qu’ils semblaient affirmer la primauté de la conscience sur la vérité morale objective. Ces Critères stipulent que les divorcés remariés peuvent recevoir la communion après une période de discernement, avec une conscience informée et éclairée, et s’ils sont « en paix avec Dieu ».

(136) "Pope Francis on the correct interpretation of the Amoris Laetitia" (Le Pape François sur l’interprétation correcte d’Amoris Laetitia), Vatican Insider, Andrea Tornielli, 12 septembre 2016.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire